Préconisation du GRECCO n°16, le conseil syndical : prérogatives

Publié le 4 juillet 2023 sous la présidence de Matthieu Poumarède

Le conseil syndical : prérogatives[1]

Le groupe de recherche sur la copropriété (GRECCO)[2], réunissant des praticiens et des universitaires, a pour objectif de développer une réflexion pérenne sur l’application et l’évolution du droit de la copropriété. Après débats, le GRECCO rédige des propositions destinées à faciliter l’interprétation des textes du droit de la copropriété, à suggérer des pratiques professionnelles et à susciter des modifications législatives et réglementaires. Ces propositions sont largement diffusées dans les revues juridiques et professionnelles afin qu’elles puissent être connues et discutées.

Le conseil syndical est un organe de fonctionnement de la copropriété, dont la mission principale est d’assister et de contrôler la gestion du syndic. 

L’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 lui a conféré de nouvelles prérogatives qui modifient substantiellement son rôle. A la délégation spéciale visée par l’article 25 a) de la loi du 10 juillet 1965 s’adjoint désormais une délégation générale visée par l’article 21-1 de la loi du 10 juillet 1965.

  1. La délégation spéciale de pouvoir de l’article 25 a) de la loi du 10 juillet 1965

L’article 25 a) de la loi du 10 juillet 1965 dispose que : « Ne sont adoptées qu’à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant :

  1. Toute délégation du pouvoir donnée au syndic, au conseil syndical ou à toute personne de prendre un acte ou une décision mentionné à l’article 24. Lorsque l’assemblée autorise le délégataire à décider de dépenses, elle fixe le montant maximum des sommes allouées à ce titre ».

L’article 25 a) de la loi du 10 juillet 1965 vise toute délégation du pouvoir de « prendre un acte ou une décision mentionné à l’article 24 ». Cette délégation du pouvoir est donc spéciale, en ce sens qu’elle concerne une décision.  

Il en résulte que, conformément à l’article 21 du décret du 17 mars 1967, cette délégation de pouvoir mentionne expressément la décision déléguée.

Par exemple :

  • La délégation au conseil syndical du choix du modèle de boîtes aux lettres ;
  • La délégation au conseil syndical du choix, parmi trois devis, de l’entreprise désignée pour les travaux de ravalement.

Dans tous les cas, si le conseil syndical est autorisé à décider de dépenses, la délégation en fixe le montant maximum. L’assemblée générale doit alors décider des modalités de l’appel de fonds.

  • La délégation générale de pouvoirs de l’article 21-1 de la loi du 10 juillet 1965.

L’article 21-1 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que : « Sans préjudice des dispositions du a de l’article 25, lorsque le conseil syndical est composé d’au moins trois membres, l’assemblée générale peut, par décision prise à la majorité des voix de tous les copropriétaires, lui déléguer le pouvoir de prendre tout ou partie des décisions relevant de la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés, ou votant par correspondance.


La délégation de pouvoirs ne peut toutefois porter sur l’approbation des comptes, sur la détermination du budget prévisionnel, ou sur les adaptations du règlement de copropriété rendues nécessaires par les modifications législatives et règlementaires intervenues depuis son établissement
. »

L’article 21-1 de la loi du 10 juillet 1965 vise toute délégation du pouvoir « de prendre tout ou partie des décisions ». Cette délégation de pouvoirs est donc générale, en ce qu’elle peut avoir pour objet tout ou partie des décisions visées par l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965. 

  • Les conditions de la délégation générale de pouvoirs au conseil syndical.

Deux conditions doivent être cumulativement réunies :

  • Le conseil syndical doit être composé d’au moins trois membres ;
  • La décision de déléguer doit être prise aux conditions de majorité des articles 25 et 25-1 de la loi du 10 juillet 1965.
  • L’objet de la délégation générale de pouvoirs au conseil syndical.

La délégation peut porter sur toute décision relevant de la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés, ou votant par correspondance.

Le texte de l’article 21-1 de la loi du 10 juillet 1965, tel qu’il est rédigé, permet d’autoriser, par une unique délégation, le conseil syndical à prendre :

  • soit toutes les décisions relevant de cette majorité ;
  • soit une décision[3] ou plusieurs d’entre elles.

Seules sont exclues de cette faculté les décisions relatives à l’adoption du budget, des comptes, et l’adaptation du règlement de copropriété.

Par exemple, peuvent faire l’objet d’une délégation :

  • l’ensemble des décisions relevant de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965, exceptées celles exclues par l’alinéa 2 de l’article 21-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;
  • tous les travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble (ravalement, étanchéité sans amélioration énergétique) ;
  • la réalisation du diagnostic de performance énergétique, du diagnostic technique global et du projet de plan pluriannuel de travaux ;
  • l’autorisation donnée à la police municipale d’accéder aux parties communes ;
  • le choix des contrats d’entretien, de maintenance, d’assurance, quelle que soit leur durée ;
  • l’habilitation donnée au syndic d’agir en justice ;
  • etc…

L’assemblée générale qui déciderait de donner au conseil syndical une délégation générale de prendre toute décision relevant de la majorité relative confèrerait donc au conseil syndical un pouvoir particulièrement large, qui ne serait limité que par le montant maximum alloué pour cette délégation.

Néanmoins, la délégation générale de pouvoirs ne dépossède pas le délégant, à savoir l’assemblée générale, de ses prérogatives, si bien qu’elle pourrait prendre une décision dans le champ de la délégation.

Également, la délégation consentie par l’assemblée générale ne prive pas le syndic des attributions qui lui sont conférées par l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965 : il demeure le mandataire du syndicat, et mettra en œuvre les décisions du conseil syndical.

  • La mise en œuvre de la délégation générale de pouvoirs au conseil syndical
  • La détermination du montant maximum de la délégation

L’article 21-2 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que : « L’assemblée générale fixe le montant maximum des sommes allouées au conseil syndical pour mettre en œuvre sa délégation de pouvoirs ».

L’article 26-1 du décret du 17 mars 1967 précise les modalités de mise en œuvre de l’article 21-2 de la loi du 10 juillet 1965 en ces termes :

« Pour l’application des dispositions de l’article 21-2 de la loi du 10 juillet 1965, un montant spécifique est alloué au conseil syndical au sein du budget prévisionnel voté chaque année pour l’exercice de sa délégation de pouvoirs.

Par dérogation à l’alinéa précédent, lorsque la délégation de pouvoirs porte sur des dépenses pour travaux non comprises dans le budget prévisionnel, l’assemblée générale précise le montant maximum alloué pour chacune d’elles. Les sommes afférentes à ces dépenses sont appelées selon les mêmes modalités que celles prévues au second alinéa du I de l’article 14-2 de la loi du 10 juillet 1965. »

Cet article impose de distinguer deux catégories de dépenses :

  • Les dépenses inclues dans le budget prévisionnel au sens de l’article 45 du décret du 17 mars 1967

 La délégation générale de pouvoirs au conseil syndical se traduit par la fixation d’une somme maximale qui sera appelée en même temps que les provisions pour budget.

L’article 7 de l’arrêté du 14 mars 2005 relatif aux comptes du syndicat des copropriétaires a été modifié pour intégrer un compte 65 « montant spécifique alloué au conseil syndical, au sein du budget prévisionnel, pour l’exercice de sa délégation de pouvoir en application de l’article 21-1 de la loi [du 10 juillet 1965] ».

Aucune disposition ne plafonne ce montant.

  • Les dépenses relatives aux travaux non comprises dans le budget prévisionnel

Le montant maximum alloué par l’assemblée générale doit être fixé « pour chaque dépense » de travaux non comprise dans le budget prévisionnel.

Par référence à l’article 44 du décret du 17 mars 1967, il s’agit des dépenses afférentes :

« 1°- Aux travaux de conservation ou d’entretien de l’immeuble, autres que ceux de maintenance ;

2°- Aux travaux portant sur les éléments d’équipement communs, autres que ceux de maintenance ;

3°- Aux travaux d’amélioration, tels que la transformation d’un ou de plusieurs éléments d’équipement existants, l’adjonction d’éléments nouveaux, l’aménagement de locaux affectés à l’usage commun ou la création de tels locaux, l’affouillement du sol et la surélévation de bâtiments ;

4°- Aux études techniques, telles que les diagnostics et consultations ;

5°- Et, d’une manière générale, aux travaux qui ne concourent pas à la maintenance et à l’administration des parties communes ou à la maintenance et au fonctionnement des équipements communs de l’immeuble ».

Bien que le 4° de l’article 44 du décret du 17 mars 1967 vise une dépense concernant des « études techniques, telles que diagnostics et consultations », son régime doit être aligné sur celui des dépenses relatives aux travaux.

Les sommes afférentes à ces dépenses sont appelées selon les mêmes modalités que celles prévues au second alinéa du I de l’article 14-2 de la loi du 10 juillet 1965 (D. 17 mars 1967, art. 26-1).

Il en résulte qu’il revient à l’assemblée générale de prévoir les modalités des appels de fonds ; elle peut néanmoins déléguer au conseil syndical le pouvoir de déterminer ces modalités. Cette délégation qui permettra au conseil syndical de fixer, selon la nature des travaux, les dates ou période d’exigibilité des appels, le nombre des appels de fonds, n’est pas sans poser de réelles difficultés, notamment du fait de l’absence de publicité de la décision. Ainsi, une partie des sommes exigibles à l’égard du vendeur en cas de mutation pourrait être omise dans l’état daté.

Point de vigilance : En l’état actuel des textes, la délégation générale de pouvoirs au conseil syndical rend difficilement applicable les dispositions de l’article 26-4 de la loi du 10 juillet 1965 relatives à l’emprunt collectif.

  • La durée de la délégation générale de pouvoirs au conseil syndical

Selon l’article 21-3 de la loi du 10 juillet 1965, « la délégation de pouvoirs mentionnée à l’article 21-1 est accordée au conseil syndical pour une durée maximale de deux ans. Elle est renouvelable par une décision expresse de l’assemblée générale ».

En conséquence, il peut être opportun :

  • de prévoir une durée de la délégation en adéquation avec la durée du mandat des membres du conseil syndical (dans la limite de deux ans) ;
  • de préciser dans la résolution les dates de début et de fin de cette délégation ;
  • de fixer le montant des sommes allouées année par année, pour les dépenses inclues dans le budget prévisionnel.
    • Les modalités de prise de décision du conseil syndical délégataire

Les décisions du conseil syndical pour l’exercice de la délégation générale de pouvoirs mentionnée à l’article 21-1 de la loi du 10 juillet 1965 sont prises à la majorité de ses membres.

En cas de partage des voix, le président du conseil syndical a voix prépondérante.

  • La forme et la publicité des décisions du conseil syndical délégataire

En application de l’article 21-1 du décret du 17 mars 1967 : « Les décisions prises par le conseil syndical, lorsqu’il bénéficie d’une délégation de pouvoirs en application des articles 21-1 et suivants de la loi du 10 juillet 1965, sont consignées dans un procès-verbal, signé par deux de ses membres. Le procès-verbal mentionne le nom des membres du conseil syndical ayant participé à la délibération et le sens de leur vote. Le procès-verbal des décisions du conseil syndical est transmis au syndic qui l’inscrit au registre des procès-verbaux des assemblées générales. »

Aucune disposition ne prévoit la notification de ce procès-verbal aux copropriétaires ni sa communication pour information.

Afin d’informer les copropriétaires, il peut, le cas échéant, être utile de mettre à leur disposition les procès-verbaux des décisions du conseil syndical, notamment dans l’espace sécurisé en ligne.

  • La restitution de l’activité du conseil syndical délégataire

Le conseil syndical, agissant dans l’intérêt de l’assemblée générale qui lui a délégué ses pouvoirs, doit rendre compte chaque année de l’exercice de sa délégation de pouvoirs devant l’assemblée générale votant l’approbation des comptes (L. 10 juillet 1965, art. 21-5, alinéa 2).

Au surplus, le conseil syndical établit un rapport en vue de l’information des copropriétaires (L. 10 juillet 1965, art. 21-5, alinéa 3).

Aux termes de l’article 11 II 10° du décret, ce rapport doit être notifié en même temps que l’ordre du jour, pour l’information des copropriétaires et non pour la validité de la décision d’approbation des comptes.

Au moment de la préparation de l’ordre du jour, le syndic doit, en cas de délégation de pouvoirs, solliciter le conseil syndical pour qu’il lui remette le rapport prévu par l’article 21-5, alinéa 3, de la loi du 10 juillet 1965.

2.3.6 La contestation des décisions du conseil syndical délégataire.

En l’état actuel des textes, il n’est pas prévu d’action spécifique pour contester les décisions du conseil syndical elles-mêmes.

Toutefois, en application de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965, le copropriétaire peut contester la décision de l’assemblée générale relative à la délégation, lorsque les conditions de la délégation générale ne sont pas remplies. Si le conseil syndical a excédé ses pouvoirs (en dépensant plus que le montant assigné pour sa délégation, ou en engageant des dépenses ne relevant pas de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965), la contestation pourra porter sur la résolution d’approbation des comptes courants ou des comptes de travaux.

En outre, il est possible d’engager la responsabilité civile des membres du conseil syndical.

  • La responsabilité civile des membres du conseil syndical délégataire

Tout copropriétaire ou le syndicat des copropriétaires peut engager la responsabilité civile des membres du conseil syndical dans le cadre de la mise en œuvre de la délégation de pouvoirs. La demande pourrait se résoudre en dommages et intérêts, mais également, le cas échéant, en une obligation de remise en état sous astreinte.

Il s’agit d’une responsabilité individuelle de chaque membre, le procès-verbal des décisions du conseil syndical comportant le nom des membres du conseil syndical ayant participé à la délibération et le sens de leur vote.

En conséquence, l’article 21-4 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit l’obligation de souscrire une assurance de responsabilité civile pour chacun des membres du conseil syndical.

Le syndic doit donc souscrire systématiquement une extension de la police d’assurance du syndicat des copropriétaires bénéficiant aux membres du conseil syndical[4].

Par ailleurs, la responsabilité du syndic pourrait également être recherchée lorsque celui-ci met en œuvre une décision du conseil syndical qui excède la délégation de pouvoirs donnée par l’assemblée générale, qu’il s’agisse du montant ou de l’objet de la délégation (par exemple, une décision relevant de la majorité absolue).


[1] Cette préconisation fait suite à la préconisation n° 15 publiée le 27 juin 2022 intitulée « Le conseil syndical : désignation et organisation ».

[2] Le groupe de travail est composé de : Matthieu Poumarède, professeur des universités ; Denis Brachet, géomètre-expert ; Véronique Bacot-Réaume, expert judiciaire ; Patrick Baudouin, avocat ; Alexis de Coster, responsable métiers administration de biens ; Christelle Coutant-Lapalus, professeure des universités ; Éliane Frémeaux, notaire honoraire ; Laurence Guégan-Gélinet, avocat ; Florence Bayard-Jammes, enseignant-chercheur ; Agnès Lebatteux, avocat ; Stéphane Lelièvre, notaire ; Bernard Pérouzel, expert ; Olivier Safar, syndic de copropriété.

[3] Si l’assemblée générale entend déléguer le pouvoir de prendre une unique décision, il est également possible de recourir à l’article 25 (a).

[4] Pour remédier au risque de refus d’assurance, il pourrait être prévu une extension de l’article 215-2 du code des assurances relatif à la compétence du Bureau central de tarification, aux membres du conseil syndical.

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