Préconisation n°11 du GRECCO, relative aux modalités du vote par correspondance (hors crise sanitaire)

Publiée le 16 décembre 2020, sous la présidence de Matthieu Poumarède

Le groupe de recherche sur la copropriété (GRECCO)[1], réunissant des praticiens et des universitaires, a pour objectif de développer une réflexion pérenne sur l’application et l’évolution du droit de la copropriété. Après débats, le GRECCO rédige des propositions destinées à faciliter l’interprétation des textes du droit de la copropriété, à suggérer des pratiques professionnelles et à susciter des modifications législatives et règlementaires. Ces propositions sont largement diffusées dans les revues juridiques et professionnelles afin qu’elles puissent être connues et discutées.

1. Rédaction du formulaire

·      Faut-il prévoir, dans le formulaire, de reproduire deux fois une même résolution, lorsque celle-ci est susceptible d’être soumise à la passerelle de l’article 25-1 ou à celle de l’article 26-1 ? 

Le copropriétaire votant par correspondance est invité à se prononcer sur une résolution déterminée, indépendamment de la majorité requise, comme en atteste le formulaire de vote par correspondance. Par ailleurs, les « passerelles » prévues par les articles 25-1 et 26-1 sont désormais automatiques si les conditions requises sont réunies ; il ne s’agit donc pas d’une question distincte. Le vote exprimé par le copropriétaire sur le formulaire devrait donc pouvoir être appliqué lors du premier, puis du second vote.

Toutefois, pour ne pas priver le copropriétaire votant par correspondance du droit d’exprimer un vote différent lors du second vote, comme peuvent le faire les copropriétaires qui participent à l’assemblée, il est recommandé d’inscrire deux fois la question, une fois à la majorité de l’article 25, et une seconde fois à la majorité de l’article 25-1. Le même raisonnement sera tenu pour l’application de l’article 26-1 de la loi du 10 juillet 1965.

La mise en œuvre de ce double vote peut s’avérer complexe, notamment pour les questions impliquant un vote sur plusieurs devis ou candidatures différents, car le recours à la passerelle a pour conséquence de multiplier le nombre de questions à inscrire dans le formulaire, au point de générer des risques de confusion et de contentieux, alors même que le copropriétaire ne participe pas aux débats.

Pour résoudre ces difficultés pratiques, une modification de l’article 17-1 A pourrait être envisagée, afin qu’il y soit indiqué, par exemple, que « Tout vote exprimé par correspondance sur une résolution vaut pour le premier vote, et le second vote en cas d’application des articles 25-1 et 26-1 de la loi du 10 juillet 1965 ».

  • Vote pour la composition du bureau ou du conseil syndical et problématique des candidatures en séance.

Pour le conseil syndical, les candidatures peuvent être recueillies en amont de l’envoi des convocations et inscrites dans le formulaire de vote. Le syndic peut inviter les copropriétaires à lui adresser leur candidature, par tous moyens et notamment à l’occasion de l’affichage de la date de l’assemblée générale dans les parties communes prévu à l’article 9, alinéa 3, du décret du 17 mars 1967.

Si une candidature est présentée en séance, comme cela est fréquent en pratique, le copropriétaire ayant voté par correspondance n’aura pas pu exprimer son vote, il sera donc considéré comme défaillant en application de l’article 17-1 A, alinéa 2.

Pour le président et les scrutateurs l’article 15 du décret du 17 mars 1967 dispose qu’« Au début de chaque réunion, l’assemblée générale désigne, sous réserve des dispositions de l’article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 et de l’article 50 (alinéa 1er) du présent décret, son président et, s’il y a lieu, un ou plusieurs scrutateurs.»

Le copropriétaire qui exprime son vote par correspondance ne peut donc exprimer son vote sur les candidatures du président et du ou des scrutateurs, il sera considéré comme défaillant en application de l’article 17-1 A, alinéa 2.

Il s’en déduit qu’en l’état actuel du texte, il n’est pas possible de tenir, en dehors de la période de crise sanitaire, une assemblée générale uniquement par correspondance. La consultation écrite n’est pas autorisée, sauf pour les petites copropriétés (article 41-12), ce qui est conforme à l’esprit de la loi du 10 juillet 1965, laquelle prévoit que les décisions sont prises en assemblée générale (art. 17).

2. Mandat et vote par correspondance

·      Le mandataire peut-il voter par correspondance ?

Le formulaire de vote par correspondance ne prévoit pas la signature de celui-ci par un mandataire, mais uniquement une signature par le « copropriétaire, l’associé ou le mandataire commun de l’indivision ». L’arrêté du 2 juillet 2020 ne vise donc pas les mandataires légal, judiciaire ou conventionnel. De même, l’article 14 du décret du 17 mars 1967 modifié relatif à la feuille de présence précise, au sujet du mandataire, que « Dans le cas où le copropriétaire ou l’associé est représenté, la feuille de présence mentionne les nom et domicile du mandataire désigné et précise le cas échéant si ce dernier participe par visioconférence, par audioconférence ou par un autre moyen de communication électronique ». L’éventualité d’un mandataire votant par correspondance n’est donc pas abordée ni même envisagée par les textes.

Toutefois, il convient de rappeler que l’article 22 de la loi du 10 juillet 1965 permet à « tout copropriétaire » de donner un mandat de représentation à l’assemblée générale. Le mandataire légal (représentant du mineur ou du majeur protégé), judiciaire (tuteur), ou conventionnel (notamment l’administrateur de bien), doit pouvoir voter par correspondance.

Cette option doit a fortiori être ouverte en période de crise sanitaire, lorsque le syndic peut imposer le huis-clos, car à défaut, certains copropriétaires risquent d’être privés de leur droit de vote.

L’article 1er de l’arrêté du 2 juillet 2020 prévoyant que le « formulaire peut être adapté ou complété, sans toutefois qu’aucune des mentions du modèle puisse être supprimé », le syndic pourrait compléter le formulaire ainsi :

Signature** (du copropriétaire, de l’associé ou du mandataire commun de l’indivision ou d’un mandataire

**pour le cas où le vote est exprimé par un mandataire du copropriétaire, celui-ci devra justifier de son mandat ».

  • Que se passe-t-il si un copropriétaire renvoie au syndic un mandat et le formulaire de vote par correspondance complété ?

La question est clairement tranchée par l’article 14-1 du décret du 17 mars 1967 : « Au moment du vote, le formulaire de vote par correspondance n’est pas pris en compte lorsque le copropriétaire, l’associé ou leur mandataire est présent à l’assemblée générale, quelle que soit la date à laquelle a été établi ou reçu le formulaire de vote par correspondance ou le mandat avec délégation de vote, y compris en cas de délégation de vote sans désignation d’un mandataire »

Par conséquent, et quelle que soit la date d’établissement du mandat, le vote exprimé par le mandataire prime sur le vote par correspondance, sauf s’il s’agit d’une assemblée à huis clos.

·      En cas d’envoi simultané d’un mandat en blanc et d’un formulaire de vote par correspondance, le mandataire choisi doit-il considérer qu’il a un mandat impératif ?

La même solution doit être appliquée : le mandat rend caduc le formulaire de vote par correspondance, par conséquent, si le mandat ne comporte aucune consigne de vote, le mandataire s’exprime librement.

·      Un copropriétaire opposant votant par correspondance peut-il exprimer des réserves ?

En application de l’article 17 du décret du 17 mars 1967 « Le procès-verbal mentionne les réserves éventuellement formulées par les copropriétaires ou associés opposants sur la régularité des décisions. »

La troisième chambre de la Cour de cassation, par un arrêt en date du 23 novembre 2017 (pourvoi n° 16-25125) a précisé que : « la mention au procès-verbal d’une assemblée générale des réserves formulées par les copropriétaires ou associés opposants sur la régularité des décisions ne concerne que celles émises lors du déroulement de celle-ci

C’est donc la décision votée qui peut faire l’objet de réserves émises par les seuls copropriétaires assistant à l’assemblée générale. Le copropriétaire votant par correspondance ne peut donc exprimer, par avance, des réserves sur le projet de résolution.

3- Réception des formulaires

L’article 9 bis du Décret du 17 mars 1967 dispose :

« Pour être pris en compte lors de l’assemblée générale, le formulaire de vote par correspondance est réceptionné par le syndic au plus tard trois jours francs avant la date de la réunion. Lorsque le formulaire de vote est transmis par courrier électronique à l’adresse indiquée par le syndic, il est présumé réceptionné à la date de l’envoi. »

·      Comment compter le délai de « 3 jours francs » ?

Un jour franc est défini comme un jour entier allant de 0 H à 24 H : ne sont pas comptés les jours d’envoi et de réception.

Faut-il proroger ce délai s’il expire un samedi, un dimanche, ou un jour férié, par application de l’article 642 du Code de procédure civile : « Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant » ?

Selon la Cour de cassation, les articles 641 et 642 s’appliquent uniquement aux délais de procédure (Civ. 1re, 12 déc. 2018, n° 17-25697).

L’ANSA (Association Nationale des Sociétés par Actions)[2], confrontée à la même problématique, a souligné que « le délai de trois jours est un délai (court) destiné à tenir compte aussi bien, du côté de l’émetteur, des contraintes pratiques d’organisation de l’AG liées au dépouillement des votes que, dans l’intérêt des actionnaires, du souci de prendre en compte le maximum de votes possibles. » Elle a considéré que l’article 642 ne devait pas s’appliquer pour le décompte d’un délai dit « à rebours », le texte ne faisant pas de référence aux « jours ouvrables ».

Selon cette interprétation, la date limite de réception (au-delà de laquelle le syndic doit refuser un formulaire) est le quatrième jour avant la date de l’assemblée, sans tenir compte du fait que ce jour est un samedi ou dimanche.

Ainsi on peut établir le tableau suivant :

Jour de l’assembléeJour limite de réception des votes par correspondance
LundiJeudi
MardiVendredi
MercrediSamedi
JeudiDimanche
VendrediLundi
SamediMardi
DimancheMercredi

Cependant, dans le cas où le formulaire est adressée par voie postale, le texte faisant référence à la date de réception par le syndic, le copropriétaire devra être attentif au fait que le syndic professionnel ne pourra pas matériellement réceptionner de formulaire le week-end et les jours fériés et chômés, les bureaux étant fermés, et que, de toute façon, il n’y a pas de réception de courrier le dimanche.

  • Quelles sont les conséquences de la réception hors délai du formulaire de vote ?

Si un formulaire est reçu hors délai, le copropriétaire est considéré comme n’ayant pas voté par correspondance au sens de l’article 17-1 A, alinéa 2.

Il est défaillant au sens de l’article 42, alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965, le procès-verbal lui sera notifié et il sera donc recevable à exercer un recours contre l’assemblée générale. Sur la feuille de présence, la mention du vote par correspondance de ce copropriétaire n’a pas à être portée, car l’article 14 du décret du 17 mars 1967 dispose :

 « Il est tenu une feuille de présence, pouvant comporter plusieurs feuillets, qui indique les nom et domicile de chaque copropriétaire ou associé :

-présent physiquement ou représenté ;

-participant à l’assemblée générale par visioconférence, par audioconférence ou par un autre moyen de communication électronique ;

– ayant voté par correspondance avec mention de la date de réception du formulaire par le syndic.

Toutefois, bien que cela ne soit pas prévu à l’article 17 du décret, il est recommandé de mentionner dans le procès-verbal le nom des copropriétaires pour lesquels les votes par correspondance ont été reçus hors délai.

·      Le formulaire de vote par correspondance peut-il valablement être transmis au syndic par un tiers (par exemple un membre du conseil syndical) ou doit-il nécessairement être adressé par le copropriétaire ?

Le décret n’impose pas l’envoi par le copropriétaire : l’article 9 bis impose seulement que le « vote par correspondance [soit] réceptionné par le syndic au plus tard trois jours francs avant la date de la réunion ».  Le syndic ne peut donc écarter des votes par correspondance reçus par l’intermédiaire d’un tiers (conseil syndical, mandataire…), pour autant qu’ils lui soient remis trois jours francs avant la réunion.

·      Le syndic peut-il se faire juge de la régularité des formulaires reçus ?

Le syndic n’a pas à se faire juge de la validité des formulaires reçus, dès lors qu’il les a bien réceptionnés au plus tard trois jours francs avant la date de réunion. Seuls les scrutateurs (hormis le cas d’une assemblée générale à huis clos), ou à défaut le président, pourraient prendre cette responsabilité.

Toutefois, en cas de suspicion de fraude ou d’erreur manifeste, il est prudent d’interroger le copropriétaire auteur du vote par correspondance avant la tenue de l’assemblée générale. Le secrétaire de séance pourrait, s’il l’estime opportun, en faire mention dans le procès-verbal.

4. Conséquences d’une résolution amendée 

Selon l’article 17-1 A de la loi du 10 juillet 1965 « Si la résolution objet du vote par correspondance est amendée en cours d’assemblée générale, le votant par correspondance ayant voté favorablement est assimilé à un copropriétaire défaillant pour cette résolution »

Par conséquent, toute modification du projet de résolution, quelle que soit son importance et même si elle est favorable au copropriétaire, rend le copropriétaire ayant voté par correspondance en faveur de la résolution, défaillant pour la résolution en question. En effet, le texte modifié par l’ordonnance du 30 octobre 2019, ne fait plus fait aucune référence au caractère « substantiel » de l’amendement, qui paraissait difficile à apprécier.

En revanche, les votes négatifs et les abstentions demeurent inchangés en cas d’amendement.

Le syndic devra par conséquent notifier le procès-verbal au copropriétaire par correspondance ayant exprimé un vote « pour » à l’égard de la résolution amendée.

*****


[1] Le groupe de travail est composé de : Matthieu Poumarède, professeur agrégé, directeur de l’IEJUC ; Denis Brachet, géomètre-expert ; Véronique Bacot-Réaume, expert judiciaire ; Patrick Baudoin, avocat ; Christelle Coutant-Lapalus, maître de conférences ; Eliane Frémeaux, notaire honoraire ; Laurence Guégan-Gélinet, avocat ; Florence Bayard-Jammes, enseignant-chercheur ; Agnès Lebatteux, avocat ; Stéphane Lelièvre, notaire ; Bernard Pérouzel, expert ; Olivier Safar, syndic de copropriété.

[2] Ref. : ANSA  Comité Juridique Réunion du 1er avril 2015 n° 15-026 Règle applicable à la détermination de la date butoir de réception des votes par correspondance

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