Recommandation n°1 du GRECCO, sur la prolongation de plein droit des mandats de syndic, pour pallier les conséquences de la crise sanitaire

Rédigée le 18 avril 2020 non publiée et transmise au ministère

La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 a déclaré l’état d’urgence sanitaire, avec application immédiate, soit à compter du 24 mars 2020, pour une période de deux mois qui devraient prendre fin le 24 mai 2020.

Pour tenir compte de l’impossibilité pour les assemblée générale de se tenir en période de confinement ( le décret  du Décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 interdit « le déplacement de toute personne hors de son domicile»), l’ordonnance 2020- 304 «  portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété », dispose en son article 22 que : «  le contrat de syndic qui expire ou a expiré pendant la période définie à l’article 1er [période juridiquement protégée] est renouvelé dans les mêmes termes jusqu’à la prise d’effet du nouveau contrat du syndic désigné par la prochaine assemblée générale des copropriétaires. Cette prise d’effet intervient, au plus tard six mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire mentionné à l’article 1er. Les dispositions du précédent alinéa ne sont pas applicables lorsque l’assemblée générale des copropriétaires a désigné, avant la publication de la présente ordonnance, un syndic dont le contrat prend effet à compter du 12 mars 2020. »

La période juridiquement protégée est définie à l’article 1 de l’ordonnance, et débute le 12 mars 2020 et se poursuivant jusqu’à « l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée », soit le 24 juin 2020, sauf prorogation du délai d’urgence sanitaire.

Au regard de ce texte, le GRECCO s’interroge, tout d’abord, sur les conséquences du choix du « renouvellement », au lieu d’une prorogation. Le mandat arrivant à échéance après le 12 mars 2020, et avant le 24 juin 2020, donne donc naissance à un « nouveau contrat », mais l’ordonnance précise que ce renouvellement a lieu « dans les termes ». Dès lors se posent nécessairement les questions suivantes :

  • Sur quelle base doit être calculé le nouveau forfait du syndic ? S’il est fait une application stricte de l’équivalence des conditions, le forfait du contrat renouvelé devrait être le même que celui perçu pour l’entier exercice 2019-2020. En effet, le forfait n’est pas calculé par mois, mais pour la durée du contrat, définie de date à date.
  • Faut-il considérer que le « nouveau » contrat est, par dérogation, à durée indéterminé (cf. Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 15 novembre 2005, 02-21.366, Publié au bulletin [1]), puisqu’il est renouvelé « jusqu’à la prise d’effet du nouveau contrat » ou les dispositions du nouvel article 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 issues de l’Ordonnance du 30 octobre 2019 sont toujours applicables ? En effet, par application de ces dispositions : « VII.- Lorsqu’une partie ne souhaite pas conclure un nouveau contrat de syndic avec le même cocontractant, il peut y être mis fin sans indemnité, dans les conditions suivantes. Les questions de la désignation d’un nouveau syndic ainsi que de la fixation d’une date anticipée de fin de contrat sont portées à l’ordre du jour d’une assemblée générale tenue dans les trois mois précédant le terme du contrat. Lorsque l’initiative émane du syndic, celui-ci informe le conseil syndical de son intention de ne pas conclure un nouveau contrat au plus tard trois mois avant la tenue de cette assemblée générale. »

Le GRECCO considère qu’il ne peut être répondu à ces interrogations que par un décret d’application précisant les modalités du renouvellement.

Il est également observé que, du fait du renouvellement, le syndic ne pourra plus invoquer la « force majeure » pour ses obligations légales ou contractuelles relatives au « nouveau contrat », sachant qu’à sa date de conclusion, l’épidémie de COVID ne peut plus être considérée comme imprévisible, condition exigée par l’article 1218 du Code civil.

Le GRECCO observe par ailleurs que ce dispositif de renouvellement automatique des mandats de syndic dont le terme survient entre le 12 mars 2020et le 24 juin 2020, risque pour l’essentiel, de manquer son objectif qui était de « s‘assurer une pérennité dans la gestion des copropriétés, leur conservation et la continuité des services essentiels à leur fonctionnement normal, conformément à leur destination. En vertu de cet article, le contrat de syndic en exercice est renouvelé jusqu’à la prise d’effet du nouveau contrat du syndic désigné par la prochaine assemblée générale des copropriétaires, qui pourra être tenue à la sortie de l’état d’urgence sanitaire, et au plus tard le 31 décembre 2020. » (rapport au Président de la République).

Il résulte tout d’abord des dispositions de l’ordonnance que les contrats de syndic renouvelés ne viendront pas à échéance le 31 décembre 2020, mais le 24 novembre 2020, soit 6 mois après expiration de la PJP – sauf prorogation de l’état d’urgence.

Mais surtout, de nombreuses copropriétés risquent de se trouver, malgré ce dispositif, dépourvues de syndic. En effet, seuls les contrats venant à échéance avant la fin de la PJP, donc avant le 24 juin 2020, bénéficient du renouvellement automatique. Or la plupart des assemblées appelées à se réunir pendant la période de confinement, soit au cours du 2ème trimestre 2020, ont à statuer sur des mandats arrivant à échéance le 30 juin 2020. Pour toutes ces copropriétés, il n’y aura pas de renouvellement automatique du contrat de syndic, et les convocations devront être adressées aux copropriétaires avant la fin mai.

Or il sera matériellement impossible, pour les syndics de copropriété, d’une part, d’envoyer toutes les convocations dans un délai qui n’excèdera sans doute pas, dans certaines régions, quinze jours après la fin du confinement, et d’autre part de trouver suffisamment de dates disponibles pour tenir les assemblées générales sur les dix derniers jours du mois de juin.

Afin de permettre effectivement aux syndics de tenir les assemblées générales de copropriété prévue pendant la PJP à partir de septembre, il est donc proposé d ‘amender le texte de l’ordonnance dans les termes suivants :

Le contrat de syndic qui expire ou a expiré pendant la période définie à l’article 1er [période juridiquement protégée] prolongée d’un mois est renouvelé dans les mêmes termes jusqu’à la prise d’effet du nouveau contrat du syndic désigné par la prochaine assemblée générale des copropriétaires. Cette prise d’effet intervient, au plus tard six mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire mentionné à l’article 1er. Les dispositions du précédent alinéa ne sont pas applicables lorsque l’assemblée générale des copropriétaires a désigné, avant la publication de la présente ordonnance, un syndic dont le contrat prend effet à compter du 12 mars 2020. »

En effet, cet allongement d’un mois permettrait d’inclure dans le dispositif tous les mandats de syndic venant à échéance le 30 juin. De plus, l’allongement du délai de la PJP en matière de copropriété est justifié, car la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 impose un délai de 21 jours entre la 1ère présentation de la convocation et la tenue de l’assemblée générale, auquel il faut ajouter un délai postal. Si la PJP est considérée comme la période pendant laquelle le fonctionnement normal des syndics ne peut être assurée, il est nécessaire de prévoir de reporter toutes les assemblées généralesquiauraient du setenir jusqu’à un mois après la période de la PJP.


[1] : « Sauf disposition ou volonté contraire, la tacite reconduction d’un contrat à durée déterminée, dont le terme extinctif a produit ses effets, donne naissance à un nouveau contrat de durée indéterminée, et dont les autres éléments ne sont pas nécessairement identiques. »

La CNEC

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