Publiée le 22 avril 2022, sous la présidence de Matthieu Poumarède
Conséquences de l’article 89 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022, dite 3DS, sur la mise en conformité des règlements de copropriété.
Le groupe de recherche sur la copropriété (GRECCO)[1], réunissant des praticiens et des universitaires, a pour objectif de développer une réflexion pérenne sur l’application et l’évolution du droit de la copropriété. Après débats, le GRECCO rédige des propositions destinées à faciliter l’interprétation des textes du droit de la copropriété, à suggérer des pratiques professionnelles et à susciter des modifications législatives et réglementaires. Ces propositions sont largement diffusées dans les revues juridiques et professionnelles afin qu’elles puissent être connues et discutées.
La mise en conformité des règlements de copropriété, à laquelle le GRECCO a d’ores et déjà consacré trois préconisations, a engendré de nombreuses difficultés relevées tant par les praticiens que par la doctrine.
C’est la raison pour laquelle l’article 89 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, a procédé à une réécriture partielle des articles 206 II (sur le lot transitoire) et 209 II (sur les droits de jouissance et les parties communes spéciales) de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, dite ELAN, comportant les mesures transitoires relatives à la mise en conformité des règlements de copropriété existants.
L’objet de la présente préconisation, qui amende et complète les préconisations précédentes du GRECCO relatives à la mise en conformité des règlements de copropriété (n° 10, 12, et 13) est de préciser quelles sont les modifications résultant de la nouvelle rédaction de ces articles. Pour le surplus, ces préconisations demeurent valables. Il convient donc de s’y référer, notamment concernant les hypothèses de mise en conformité et le processus de mise en conformité.
Les articles 206 II (sur le lot transitoire) et 209 II (sur les droits de jouissance privative et les parties communes spéciales) de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, dite ELAN, distinguent deux questions néanmoins liées : celle de la date d’entrée en vigueur des articles 1 I, al. 3 et 4 et 6-4 (I) et celle de la mise en conformité des règlements de copropriété (II).
I- La date d’entrée en vigueur des articles 1er I, alinéas 3 et 4, et 6-4 de la loi du 10 juillet 1965.
En vertu de l’article 206 II, al. 1er, de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, dite ELAN, « Les dispositions relatives au lot transitoire de l’article 1er de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ne sont applicables qu’aux immeubles dont la mise en copropriété est postérieure au 1er juillet 2022 ».
De même, en vertu de l’article 209 II, al. 1er, de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, dite ELAN, « L’article 6-4 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis n’est applicable qu’aux immeubles dont la mise en copropriété est postérieure au 1er juillet 2022 ».
S’il n’est pas à exclure que le législateur ait eu la volonté de n’appliquer les articles 1er I, alinéas 3 et 4, et 6-4 de la loi du 10 juillet 1965 qu’aux seuls immeubles dont la mise en copropriété est postérieure au 1er juillet 2022, il ne semble pas possible de faire table rase du passé.
Il faut, en effet, rappeler que la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, dite ELAN, est entrée en vigueur le 25 novembre 2018, si bien que l’ensemble des dispositions applicables au lot transitoire (l. 10 juill. 1965, art. 1er I, al. 3 et 4), aux parties communes spéciales et aux parties communes à jouissance privative (l. 10 juill. 1965, art. 6-4) devaient être prises en compte par le rédacteur d’un nouveau règlement de copropriété dès cette date, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022, dite 3DS, le 23 février 2022.
Il en résulte, en l’état actuel des textes,
- que les articles 1er I, alinéas 3 et 4, et 6-4 de la loi du 10 juillet 1965 seront applicables aux immeubles dont la mise en copropriété est postérieure au 1er juillet 2022[2].
- que les articles 1er I, alinéas 3 et 4, et 6-4 de la loi du 10 juillet 1965 ne sont pas applicables aux immeubles dont la mise en copropriété est antérieure au 1er juillet 2022, à l’exception de ceux qui ont été mis en copropriété entre le 25 novembre 2018 et le 22 février 2022 pour lesquels ils étaient applicables[3].
La « mise en copropriété », en application de l’article 1-1 de la loi du 10 juillet 1965, résulte de la première vente d’un lot. Par conséquent, si le règlement de copropriété a été rédigé par anticipation, mais que la première vente intervient après le 1er juillet 2022, le notaire devra préalablement rectifier le règlement de copropriété, si celui-ci n’est pas conforme à la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, dite ELAN.
Remarque concernant la rédaction des règlements des immeubles mis en copropriété entre le 23 février 2022 et le 30 juin 2022 :
Il résulte de l’interprétation des textes, une succession de trois périodes depuis l’entrée en vigueur de la loi ELAN :
- Pour les mises en copropriété intervenues entre le 25 novembre 2018 et le 22 février 2022, l’article 1er I, al. 3 et 4, et l’article 6-4 de la loi du 10 juillet 1965 dans leur version issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, dite ELAN, ont été pleinement applicables ;
- Pour les mises en copropriété intervenues entre le 23 février 2022 et le 30 juin 2022, les articles 1er I, al. 3 et 4, et l’article 6-4 de la loi du 10 juillet 1965 dans leur version issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, dite ELAN, articles ne s’appliquent pas ;
- Pour les mises en copropriété qui interviendront à compter du 1er juillet 2022, les articles 1er I, al. 3 et 4, et l’article 6-4 de la loi du 10 juillet 1965 dans leur version issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, dite ELAN, sont pleinement applicables.
Malgré la « suspension » temporaire du nouveau régime entre le 23 février 2022 et le 30 juin 2022, il est vivement recommandé aux rédacteurs des règlements de copropriété d’appliquer l’intégralité de ces textes lors de la mise en copropriété des immeubles.
II. Le contenu de l’obligation de mise en conformité concernant les règlements des immeubles dont la mise en copropriété est antérieure au 1er juillet 2022.
La mise en conformité concerne désormais tous les immeubles dont la mise en copropriété est antérieure au 1er juillet 2022.
Les modifications apportées par l’article 89 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022, dite 3DS, aux modalités de la mise en conformité des règlements de copropriété d’une part avec les dispositions relatives au lots transitoires et d’autre part avec les dispositions relatives aux parties communes spéciales et à jouissance privatives sont identiques.
Le texte des articles 206 II, alinéa 2 et 209 II, alinéa 2, de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, dite ELAN, ne prévoit, en effet, plus d’obligation de mise en conformité du règlement de copropriété dans un délai déterminé, mais il demeure une obligation d’inscrire à l’ordre du jour de chaque assemblée générale des copropriétaires la question de la mention de la consistance des lots transitoires existants, des parties communes spéciales ou à jouissance privative, dans le règlement de copropriété des immeubles dont la mise en copropriété est antérieure au 1er juillet 2022.
A. L’obligation d’inscription à l’ordre du jour de chaque assemblée générale des copropriétaires.
Pour tous les immeubles mis en copropriété avant le 1er juillet 2022, le syndic a l’obligation d’inscrire à l’ordre du jour de chaque assemblée générale des copropriétaires la question de la mention, dans le règlement de copropriété, de la consistance du lot transitoire, des parties communes spéciales ou à jouissance privative.
Remarque : Cette obligation qui était à l’origine mise à la charge du « syndic » est désormais mise à la charge du « syndicat des copropriétaires ». Toutefois, la mise en œuvre de cette obligation suppose nécessairement une intervention du syndic, en sa qualité de représentant du syndicat des copropriétaires.
Concrètement, il en résulte que :
- La question doit être « inscrite à l’ordre du jour de chaque assemblée générale des copropriétaires » – et pas seulement à l’ordre du jour de l’assemblée générale annuelle- , sans limitation de délai ;
- La mise en conformité est votée à la majorité des « présents, représentés et votant par correspondance ».
- En cas de refus de l’assemblée générale, la question devra être inscrite à l’ordre du jour de chaque assemblée générale jusqu’à la mise en conformité.
B. L’incidence de l’absence de la mention des parties communes spéciales et à jouissance privative, ou de la consistance du lot transitoire dans le règlement de copropriété.
L’incertitude concernant la sanction de l’absence de la mention des parties communes spéciales et à jouissance privative, ou de la consistance du lot transitoire dans le règlement de copropriété est levée par le législateur :
- Le texte de l’article 206 II, alinéa 2, de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, dite ELAN, précise que « l’absence de mention de la consistance du lot transitoire dans le règlement de copropriété est sans conséquence sur l’existence de ce lot ».
- Le texte de l’article 209 II, alinéa 2, de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, dite ELAN, précise que « l’absence [de la mention des parties communes spéciales ou à jouissance privative existantes] dans le règlement de copropriété est sans conséquence sur l’existence de ces parties communes ».
Dès lors, ni l’existence du lot transitoire, ni celle des parties communes spéciales ou à jouissance privative ne peuvent plus être mises en cause, à défaut de mention formelle dans le règlement de copropriété.
Point d’attention concernant le lot transitoire :
Il en résulte qu’un lot transitoire, quand bien même sa consistance ne serait pas définie au sens de l’article 1er I, alinéa 3, de la loi du 10 juillet 1965 dans le règlement de copropriété, doit pouvoir être mis en œuvre dès lors que le titulaire peut en justifier l’existence.
Remarque conclusive :
L’article 89 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022, dite 3DS, dissipe le risque propre à l’absence de mise en conformité du règlement de copropriété avec les dispositions de la loi Elan.
Cependant, la mise en conformité demeure de nature à assurer la sécurité juridique. Elle conserve notamment un intérêt pour le titulaire du droit, ainsi consacré dans le règlement de copropriété publié et donc opposable à tous les copropriétaires, y compris aux nouveaux acquéreurs.
ANNEXE
Rappel des textes :
Article 89 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022, dite 3DS :
« La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique est ainsi modifiée :
1° Le II de l’article 206 est ainsi rédigé :
« II. – Les dispositions relatives au lot transitoire de l’article 1er de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ne sont applicables qu’aux immeubles dont la mise en copropriété est postérieure au 1er juillet 2022.
« Pour les immeubles dont la mise en copropriété est antérieure au 1er juillet 2022, quand le règlement de copropriété ne mentionne pas la consistance des lots transitoires existants, le syndicat des copropriétaires inscrit à l’ordre du jour de chaque assemblée générale des copropriétaires la question de cette mention dans le règlement de copropriété. Cette décision est prise à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présentés, représentés ou ayant voté par correspondance. L’absence de mention de la consistance du lot transitoire dans le règlement de copropriété est sans conséquence sur l’existence de ce lot. » ;
2° Le II de l’article 209 est ainsi rédigé :
« II. – L’article 6-4 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis n’est applicable qu’aux immeubles dont la mise en copropriété est postérieure au 1er juillet 2022.
« Pour les immeubles dont la mise en copropriété est antérieure au 1er juillet 2022, quand le règlement de copropriété ne mentionne pas les parties communes spéciales ou à jouissance privative existantes, le syndicat des copropriétaires inscrit à l’ordre du jour de chaque assemblée générale des copropriétaires la question de cette mention dans le règlement de copropriété. Cette décision est prise à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présentés, représentés ou ayant voté par correspondance. L’absence d’une telle mention dans le règlement de copropriété est sans conséquence sur l’existence de ces parties communes. »
Ces dispositions se substituent aux dispositions transitoires antérieures énoncées par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 dite ELAN, qui disposaient :
« Article 206 II.-Les syndicats des copropriétaires disposent d’un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi pour mettre, le cas échéant, leur règlement de copropriété en conformité avec les dispositions relatives au lot transitoire de l’article 1er de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.
A cette fin et si nécessaire, le syndic inscrit à l’ordre du jour de chaque assemblée générale des copropriétaires organisée dans ce délai de trois ans la question de la mise en conformité du règlement de copropriété. La décision de mise en conformité du règlement de copropriété est prise à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés. »
« Article 209 II.-Les syndicats des copropriétaires disposent d’un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi pour mettre, le cas échéant, leur règlement de copropriété en conformité avec les dispositions de l’article 6-4 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.
A cette fin, le syndic inscrit à l’ordre du jour de chaque assemblée générale des copropriétaires la question de la mise en conformité du règlement de copropriété. La décision de mise en conformité du règlement de copropriété est prise à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés. »
[1] Le groupe de travail est composé de : Matthieu Poumarède, professeur de droit ; Denis Brachet, géomètre-expert ; Véronique Bacot-Réaume, expert judiciaire ; Patrick Baudouin, avocat ; Christelle Coutant-Lapalus, professeur de droit ; Éliane Frémeaux, notaire honoraire ; Laurence Guégan-Gélinet, avocat ; Florence Bayard-Jammes, enseignant-chercheur ; Agnès Lebatteux, avocat ; Stéphane Lelièvre, notaire ; Bernard Pérouzel, expert ; Olivier Safar, syndic de copropriété.
[2] Pour des raisons de cohérence, et eut égard à la rédaction du texte, il faut considérer que ces dispositions s’appliquent à compter du 1er juillet inclus, plutôt que postérieurement à cette date.
[3] Si le règlement de copropriété n’a pas été rédigé conformément aux articles 1er I, alinéas 3 et 4, et 6-4 de la loi du 10 juillet 1965, alors en vigueur, il devra être mis en conformité (v. infra II).